LA LUNE ET LA TORTUE

La lune et la tortue... Aussi differentes que le jour et la nuit, que la France et le Japon...

26 février 2006

Mini introduction (chiante) au bouddhisme japonais

Aujourd'hui, nous allons nous intéresser au bouddhisme au Japon. Evidemment, de façon très superficielle: si vous voulez en savoir plus sur le bouddhisme, mieux vaut vous rendre immédiatement dans une librairie et acquérir un ouvrage spécialisé sur l'histoire religieuse nippone. Mais si vous voulez juste en savoir un peu pour pouvoir frimer devant vos copains, du genre "eh, tu sais comment s'est créé le zen, toi?", alors, vous vous trouvez au bon endroit!
Cependant, si la seule chose qui vous intéresse est de savoir ce que j'ai fait à Kamakura après avoir vu le sanctuaire Hachimangu, vous pouvez dès maintenant sauter ce billet: je ne vous en voudrai absolument pas...
Le bouddhisme est la deuxième religion du Japon mais contrairement au shintô, il n'est pas né dans ce pays. Originaire d'Inde du nord, le bouddhisme s'est étendu, au fil des siècles dans toute l'Asie: Mongolie, Tibet, Asie Centrale, Indochine, Indonésie, Chine, Corée, et de là: au Japon. Officiellement, le bouddhisme est "apparu" au Japon en 538 du fait du rapprochement du pays avec la Chine. Cependant, les immigrants coréens de l'époque pratiquaient déjà le bouddhisme avant cela.
L'arrivée du bouddhisme ne se fit pas toujours en paix: certains clans en rejetèrent les idées avec violence: l'affrontement entre partisans du shintoïsme et partisans du bouddhisme dura 35 ans et s'acheva par une guerre civile en 587 que le clan Soga, bouddhiste, remporta. A partir de là, bien que les deux courants s'affronteront encore occasionnellement, il était désormais hors de question d'effacer le bouddhisme au Japon.
D'ailleurs, à partir de l'époque Kamakura le bouddhisme et le shintoïsme s'entremêlent de plus en plus: le bouddhisme reconnu à cette époque l'existence des"Kamis", les considérants comme des avatars de Bouddha. Aujourd'hui, il est parfois difficile de savoir si l'on se trouve face à un temple ou face à un sanctuaire puisque des éléments des deux religions cohabitent parfois au sein d'un même édifice! On retrouve d'ailleurs ce même syncrétisme au sein des familles qui se disent à la fois shintô et bouddhistes.
Mais autrefois, le bouddhisme était une religion intellectuelle à laquelle seules les hautes castes avaient réellement accès du fait de sa spiritualité. Répondant peu aux attentes que pouvait avoir le petit peuple durant ces temps troublés et violents, il lui était assez inaccessible. Même si l'adoption des kamis shintô par le bouddhisme a aidé à sa popularisation, le bouddhisme va réellement se développer parmi l'ensemble de la population grâce à des réformateurs qui vont faire du bouddhisme japonais un courant de pensée plus proche du petit peuple. Ces réformes auront principalement lieu durant l'époque Kamakura:
1) Le zen
Selon les traditions, le zen vient d’Inde, de l’école dhyâna. On possède très peu de renseignements la concernant : l’accent y est mis sur les disciplines corporelles et des exercices pratiqués par des ascètes. La doctrine est amenée en Chine au 6e siècle par un moine indien et donne naissance au ch’an 禅 (lu "zen" en japonais). La doctrine zen est imprégnée d'une bonne dose de taoïsme (venu de Chine). Il s’agirait du rejet de la pensée indienne, et de la logorrhée prolixe de sa rhétorique, par les lettrés chinois, qui valorisent la concision de l’expression, de la pensée, et l’économie de la parole (ça en jette!). La recherche de la vérité dans la spontanéité des réactions avec l’environnement et la méditation personnelle marque une critique de la culture livresque. L’accent est mis sur le contrôle du corps qui va de pair avec le contrôle de l’esprit. Il s’exprime par la pratique d’exercices quotidiens et triviaux. Les exercices de méditation donnent naissance au zazen ("zen assis"). Le but est de parvenir à l’éveil, le "satori", c’est-à-dire l’état de bouddha atteint dans ce monde.
L’importation du zen au Japon est l’œuvre du moine Eisai (1141-1215). Comme tous les grands réformateurs de Kamakura, il appartient au Tendai (une des deux sectes bouddhistes les plus importantes à l'époque).
Eisai, après un séjour en Chine se convertit au zen et est ordonné moine. Revenu au Japon, il décide de réformer le Tendai, mais est mal accueilli et se voit exclu de la secte et chassé de Kyôto. Il commence alors à prêcher et se rend dans l’autre capitale, Kamakura, où il fait publier le kôzen-gokoku-ron (« Discours sur la protection du pays par l’élévation du zen »), reprenant l’argument classique selon lequel le bouddhisme aurait pour rôle d’assurer la prospérité du pays. Il reçoit un accueil favorable et la protection de Hôjô Masako et Minamoto no Sanetomo qui l'autorisent à construire des temples. C'est ainsi qu'il fonde la première secte zen du Japon.
Le zen, mettant l'accent sur la maîtrise du corps en accord avec l'esprit, la non-nécessité d'être moine va séduire la classe guerrière, rompue aux exercices physiques. Il y a interpénétration entre la doctrine bouddhique et les mœurs guerrières (ex. : le kyudô, parfois appelé "tir à l’arc zen"). Le zen a également eu une énorme influence sur les arts japonais (peinture paysagère, littérature, poésie, cérémonie du thé...), bien qu'il ne soit pas la secte la plus populaire du Japon: en effet l’exigence de la discipline zen limite son implantation dans la population.
2) L’amidisme
Le bouddhisme s’appuie sur la croyance en de nombreux bodhisattva rédempteurs. Les plus célèbres sont : Kan’on (le bodhisattva de la miséricorde), Miroku (le bodhisattva du futur) et Amida (bodhisattva de la Terre Pure de l’Ouest), également le plus populaire. En effet, Amida a fait le vœu de sauver tous les hommes, quelles que soient leur condition ou leurs actions, en les accueillant dans le Paradis de l’Ouest et est très populaire parmi les castes les plus basses.
La réforme décisive qui conduira au mouvement amidiste est menée par le moine Hônen (1133-1212): à 43 ans, il a une révélation en lisant un passage qui recommande la répétition du nom du bodhisattva Amida. En effet, Hônen considère qu’il est illusoire de penser que l’on peut encore saisir quoi que ce soit à la vérité profonde du bouddhisme. Pour lui, la seule solution pour être sauvé est de répéter le nenbutsu (invocation à Amida), Amida ayant promis de sauver tous ceux qui croient en lui.
Il commence à prêcher dans une période troublée par l’insécurité, l’inquiétude sociale, et appelle à l’urgence de la conversion. Le culte d’Amida marque un tournant dans le bouddhisme japonais : ce n’est plus la pratique, mais la foi qui est importante. Il s’agit d’une véritable hérésie, extrêmement mal accueillie par le Tendai, car insinuant l’inutilité des monastères. Hônen est exclu du Tendai et exilé. Il fonde le Jôdo-shû , la « secte de la Terre Pure ». Son action a déclenché une crise grave au sein du Tendai, après qu’il ait dénoncé l’hypocrisie et le manque de compassion des moines. Il entame une polémique avec les moines zen, car il considère les exercices physiques inutiles et inaccessibles à la majorité de la population. Ses adversaires lui vouent une haine profonde, sa tombe sera profanée par des moines du Tendai.
Hônen lance un mouvement de conversion en prêchant publiquement. Son souci est de convertir la plus large partie de la population, y compris les hinin ("non-humains": équivalent des "intouchables" dans le système de caste japonais) qui d’après lui, parce qu’ils souffrent le plus, ont le plus besoin de la grâce d’Amida. Malgré les persécutions, l’amidisme connaît un succès très rapide. Les disciples de Hônen s’attachent aux populations mouvantes: l’espoir offert à toutes les couches sociales et l’attachement de Hônen et son disciple Shinran à répandre leur doctrine expliquent l’immense succès de l’amidisme, au sein même des populations les moins instruites. Aujourd'hui, la secte de la terre pure est la secte la plus populaire au Japon.
3) Nichiren
De tous les réformateurs, Nichiren (1222-1282) est le seul à avoir fondé une doctrine bouddhique proprement japonaise, qui ne doit rien à la Chine. Il se rend au temple principal du Tendai, en plein développement des crises amidistes. Il se range vite aux côtés de l’orthodoxie dont il réaffirme la légitimité. Le Tendai incorpore dans sa doctrine tous les textes bouddhiques qu’il subordonne cependant au Sutra du Lotus, sensé délivrer la vérité du bouddhisme. Cependant, il faut souligner que le Sutra du Lotus est un texte long et compliqué, rédigé en chinois classique, donc difficile d’accès pour la majorité des gens.
Nichiren considère que les hommes doivent se tourner uniquement vers le bouddha historique, Sâkyamuni (Shaka en japonais). Prier Amida revient non seulement à se comporter comme des fils indignes de Shaka, mais est de plus inutile. Mais Nichiren va plus loin : il veut interdire l’étude des autres textes, des autres doctrines. La décadence étant proche, il déclare qu’il n’y a plus de temps à perdre dans l’étude, ou la méditation, rejetant par là-même le zen.
Il retourne dans son temple d’origine gagné à l’amidisme, puis, expulsé, se rend à Kamakura, à l’instar de presque tous les réformateurs de l’époque, en espérant gagner les dirigeants guerriers à sa cause.
Constatant la recrudescence des catastrophes naturelles, Nichiren y voir un signe de la décadence, et du fait que les Japonais, qui ont cessé de révérer le Sutra du Lotus, en subissent déjà les châtiments dans cette vie. En 1261, Nichiren reprend l’idée traditionnelle de l’efficacité du bouddhisme pour protéger le pays, en demandant aux Hôjô d’abandonner les autres religions, comme le zen, pour imposer une religion d’Etat unique. Devant le peu de considération réservé à son discours, Nichiren, qui a déjà envoyé des lettres d’insultes aux autres moines, envoie les mêmes missives imprudentes aux dirigeants. Il est exilé sur l’île de Sado.
C’est à partir de l’exil à Sado que naît et se structure le mouvement propre à Nichiren. Il y rédige des traités, et envoie des lettres à ses fidèles. Un de ses traités les plus connus est la « Lettre pour ouvrir les yeux » dans laquelle il développe les points qui fondent la supériorité du Sutra du Lotus.
Après trois années passées à Sado, il se rend à Kamakura, où il met en garde les autorités contre la menace mongole qui se fait de plus en plus pesante, mais n’est pas écouté. Il se retire alors pour attendre la catastrophe finale. Mais les Mongols sont battus à deux reprises et repoussés définitivement de l’archipel. Nichiren développe alors sa doctrine en lui donnant un caractère universel, tout en centrant la religion du Sutra du Lotus sur lui et sur le Japon: ce pays a une mission, celle de répandre cette nouvelle religion sur toute la terre.
Cette ambition ne trouvera sa véritable réalisation qu’au 20e siècle.Les sectes de Nichiren, appelées Nichiren-shû ou Hokke-shû, regroupent de nombreux mouvements. Après sa mort en effet, les disciples de Nichiren se sont affrontés en de fréquentes disputes. A la différence de l’amidisme plutôt présent dans les campagnes, le Hokke-shû s’implante bien en milieu urbain, puisque le daimoku, prétendument efficace pour recevoir des profits dans ce monde, avait tout pour séduire les marchands.

2 Comments:

At 26 février, 2006 22:24, Blogger Marjete said...

gnâ gnâ gnâ, j'ai dit que vous étiez pas obligés de le lire si vous vouliez pas, d'abord-eu!!! Et puis si c'est ça tes commentaires, tu sais ou tu peux te les mettre... (ami lecteur, ne sois pas effrayé, c'est mon papa, c'est pour ça que je suis pas gentille avec lui) ;-)

 
At 27 février, 2006 22:12, Blogger Marjete said...

AH ah ah... oui :)
Et puis je l'ai combiné avec un autre article que j'ai trouvé sur internet. Moi j'ai encore trouvé ça super intéressant même si c'est vraiment horrible de nous faire apprendre ça par coeur...

 

Enregistrer un commentaire

<< Home

Tous droits réservés